Voilà pourquoi nous avons décidé avec mes amis de partir en expédition au cœur de la forêt amazonienne, « le poumon de la terre », avant qu’il ne soit trop tard. Aujourd’hui, la main de l’homme a provoqué le cancer de ce « poumon ». La déforestation et l’orpaillage tuent cet univers regroupant une grande partie de la biodiversité de notre planète.
Avec une superficie de 5 500 000 km², dix fois la taille de la France, c’est la plus grande forêt tropicale du monde. La forêt amazonienne s’étend sur neuf pays : Brésil, Pérou, Colombie, Équateur, Venezuela, Suriname, Guyana, Bolivie et la Guyane. Elle est composée de près de 390 milliards d’arbres et compte 16 000 espèces différentes. Ce territoire est menacé par la déforestation. Depuis 1970, 18 % de la forêt a disparu à cause de la déforestation et des activités humaines. Si rien n’est fait aujourd’hui, elle disparaîtra d’ici l’an 2150.Nous sommes quatre aventuriers pour cette expédition « jungle » au départ de Cayenne, capital de la Guyane Française. La composition de l’équipe a été plutôt naturelle. Jean-Marc et Philippe vivent en Guyane depuis plus de 25 ans, moi-même y ai vécu pendant 8 ans. Pour Nicolas, ce seront ses premiers pas dans cet enfer vert.
L’idée de cette aventure est venue de Philippe pour célébrer les 10 ans de la dernière expédition sur cette même trace. Cette expédition, partie initialement pour 10 jours, a finalement mis 52 jours après s’être perdue dans cet enfer vert. Un miracle qu’ils soient revenus à la civilisation !
Ce n’est pas comme un match de foot, nous n’avons pas le droit à l’erreur et nous ne pouvons ni perdre ni faire match nul. Une seule porte de sortie existe, il s’agit du village de Saul accessible uniquement par avion.
Nous sommes équipés d’une balise GPS afin de donner dès que possible notre position et envoyer des textos pour dire que tout va bien. Mais nous savons très bien qu’en cas de problème, nous ne pouvons compter que sur nous-même.
Chercher quatre hommes dans la jungle équivaut à chercher une aiguille dans une botte de foin !
Les 29 et 30 novembre sont consacrés au test de notre matériel. Nous sommes habillés avec le maillot manches longues Performer (couleur jaune jaguar), du pantalon Transition et comme maison le sac Responsiv 20 litres sur notre dos. Nous partons avec seulement 5 jours de vivre. Nous n’avons vraiment pas envie de passer les fêtes de fin d’année dans cette prison verte. Nous reconditionnons notre nourriture lyophilisée de fabrication maison nécessaire à l’expédition dans des sacs plastiques afin de gagner en poids et place. Cette place sera comblée par les Mulebar énergétiques et protéinées très fruitées. Pour l’eau pure, nous utilisons des flasques et une pipe de survie Livestraw. Cela nous permet de filtrer l’eau afin de ne pas attraper de gastro ou autres maladies qui pourraient atténuer notre énergie.
1 décembre après-midi, nous sommes prêts !
Mathieu vient nous chercher avec son 4×4. Nous chargeons nos sacs qui font environ 10 kg ainsi que les 150 litres d’essence qui serviront à remonter le fleuve Approuague en pirogue.
Après 1h30 de route, la gendarmerie équipée de fusil à pompe nous arrête pour un contrôle de papier. A cet endroit, nous sommes à 100 km de la frontière brésilienne ou beaucoup d’orpailleurs clandestins circulent et n’hésitent pas à forcer ou à tirer sur les barrages des autorités. Après quelques mots échangés avec les mobiles, nous reprenons la direction de l’auberge de l’Approuague où nous allons passer notre première nuit. Dans ce paradis verdoyant et fleurit, après un bon apéro et un bon repas, nous nous retrouvons dans notre hamac pour une bonne nuit bercée par le chant des batraciens.
2 décembre 6h
Le jour se lève. Nous sommes réveillés par les cris des singes hurleurs sous la brume s’élevant de la jungle.
Après le petit déjeuné, nous entendons le bruit d’un moteur. Ce sont nos deux piroguiers d’origine brésilienne qui viennent nous chercher.
Nous chargeons le bateau et c’est parti pour 2 jours de navigation. Au bout de 2h, nous atteignons le premier Saut. La forêt n’est pas plane, le dénivelé forme des rapides entre les rochers de la rivière que l’on nomme un Saut. Ce n’est pas facile à franchir ! À plusieurs reprises nous sommes obligés de sortir pour pousser le bateau sans le lâcher sinon le courant risque de nous emporter. Nico hésite la première fois à se jeter à l’eau, normal ! C’est son baptême de la jungle et dans la rivière il y a des caïmans, des anacondas, des piranhas, etc.
Les premiers rapides se passent à merveille, nous formons une très bonne équipe. Après 4h de pirogue nous arrivons sur un gros morceau, le saut Grand Machicou, le plus grand de Guyane. Nous sommes en fin de saison sèche, le manque d’eau fait ressortir les rochers et les stigmates de pirogues coulées lors de leurs passages. Cela fait un peu peur, mais nos deux piroguiers connaissent vraiment le fleuve ! Même si des signes de crainte apparaissent parfois sur leurs visages.
Nous décidons d’alléger le bateau. Dans un premier temps Nico, Phi Phi et Jean-Marc débarquent. Ils vont nous rejoindre après les premiers rapides par la jungle en traçant leur chemin au sabre.
Seul avec les deux Brésiliens je pars à l’assaut du premier Saut, tel Jack Sparrow dans pirates des Caraïbes !
Ce n’est pas facile, mais nous parvenons à rejoindre la berge de la jungle après avoir failli couler deux fois. Nous retrouvons le reste de l’équipe. Nous déchargeons, transportons tout le matériel et l’essence à travers la jungle sur 1 km afin d’alléger au maximum notre embarcation. Les choses sérieuses commencent vraiment !
Après un début facile, nous nous retrouvons souvent dans l’eau, deux mecs à l’avant pour tirer le bateau et quatre qui le poussent. Les consignes sont : ne jamais lâcher l’embarcation ou la corde sinon, on risque d’être emporté par le courant.
Pas de chance pour moi, voulant filmer, la pirogue s’éloigne et je me retrouve seul et loin. Je lutte contre le courant pour essayer de les rejoindre, mais c’est impossible. À ma gauche, je vois une petite île et la longe en m’agrippant aux branches. J’avance doucement lorsque tout d’un coup, je réveille un nid de mouche à feu. Leurs piqûres font tellement mal que vous avez l’impression de prendre des coups de couteau. J’accélère le pas sans m’en rendre compte si bien qu’un caïman file sous mes pieds juste avant de retrouver mes amis.
Après 1h30 d’effort le Grand Machicou est franchi. Nous buvons un coup de rhum à sa santé pour nous avoir épargné.
Nos amis Brésiliens nous annoncent que nous allons très vite si bien que les 2 jours de bateau se terminent en une journée. Arrivés au Saut Grand Canari à 17h30, nos pilotes de pirogue nous laissent et prennent aussitôt le chemin du retour.
Nous voilà maintenant au beau milieu de la jungle, livrés à nous-même avec notre sac de 10 kg.
La soirée se passe super bien ! Après avoir monté le campement et pris un bon bain dans la rivière, nous préparons notre dernier repas de luxe.
Au menu : saucisson, cacahuètes, avec ti-punch en apéro, mousse de canard sur toast en entrée, confis de canard, gratin dauphinois et vin rouge en plat, pour terminer cake au fruit en dessert.
Tout cela nous a bien anesthésié pour la nuit si bien que Jean-Marc s’est endormi au bord de la rivière…
3 décembre
C’est parti pour 5, 6, 7 ou 8 jours à pied dans la jungle, on ne sait pas trop !
Sac sur le dos, nous traversons notre première grande rivière. Au bout de 50 m, première chute pour moi. Je n’ai pas eu peur de me mouiller, de toute façon l’humidité fera partie de notre quotidien jusqu’à la sortie de cette dense forêt. Philippe et Nico ouvrent le chemin au coupe-coupe, Jean-Marc s’occupe de les orienter dans la bonne direction qui sera l’ouest. Nous progressons les premières heures dans une forêt assez ouverte à 2 km/h.
L’après-midi se passe un peu moins bien, quelques passages de marécages nous ralentissent un peu. Nous avons l’occasion de rencontrer une tortue, un énorme mille-pattes et un crabe.
La nuit tombe assez vite dans la jungle, vers 16h, nous cherchons une rivière pour faire notre bivouac. L’eau est vraiment un élément de survie pour nous. Elle nous sert à faire nos lyophilisés, à boire et aussi à se laver. Si nous négligeons l’hygiène, notre corps va pourrir à vitesse éclair.
4 décembre
Il est 6h30, le chant des singes hurleurs nous réveille doucement. Nous prenons le temps de déjeuner et de démonter le camp.
8h : nous attaquons notre journée par une montée très raide. Nous nous aidons des arbres et de la végétation pour se hisser sur le plateau. Nous avons décidé de changer notre route afin de progresser en altitude, car la végétation est moins dense. Cela allonge le parcours, mais nous progressons plus rapidement. Dans la jungle, rien n’est plat. Ce sont des montagnes russes permanentes ! La plupart du temps, les montées et descentes sont extrêmement raides mais le plus embêtant est la progression en « dahu », c’est-à-dire dans les dévers.
Vers 11h, comme tous les jours, nous rencontrons des Morphos. Ces papillons bleus étincelants ont toujours les mêmes heures de vol. Une légende dit que les premiers billets « dollars » auraient été fabriqués avec une partie de leurs ailes.
12h30 : nous atteignons une rivière. Cela tombe bien, nous faisons notre pause déjeuner ! Pour Nico et moi, ce sera purée de pois cassés pomme de terre et pour Jean-Marc et Phi-phi, taboulé de couacs dont la base est du manioc. Notre dessert sera une bonne Mulebar bien fruitée.
Pas de temps à perdre pour la digestion, il faut reprendre notre progression. Nous n’avons fait que 5 km en 4h. Pour ne pas avoir le nez en permanence sur le GPS nous utilisons le rayon du soleil pour l’orientation, cela paraît absurde, mais je vous assure que ça marche bien.
La chaleur est toujours au rendez-vous, la fatigue commence à se ressentir lorsque tout d’un coup nous entendons des bruits dans les arbres, cela nous réveille. Jean Marc annonce l’arrivée d’une famille de singes araignées, nous prenons un peu de temps pour les observer puis nous devons repartir rapidement, car les singes nous lancent des branches. Ils nous suivent facilement tel Tarzan à l’aide des lianes. Ouf cela n’a pas duré, nous pouvons monter le camp et dormir tranquillement.
5 décembre
Ce matin, nous avons décidé de partir plus tôt afin de parcourir davantage de kilomètres. Voilà 3 jours que nous sommes dans la jungle et nous avons fait moins de 35 km. Si nous continuons à cette allure, c’est sûr, nous allons rater notre avion ! Aujourd’hui, notre progression est très rapide. Nous sommes à 2 km/h, cela doit vous faire rire, mais je vous assure que ce n’est vraiment pas facile dans un terrain aussi accidenté. La pluie commence à tomber lors d’une montée que je qualifierai de mur végétal ! La tête dans le guidon, nous attaquons l’ascension.
Nous croisons de magnifiques mygales et j’en profite pour faire une démonstration à Nico. Ces jolies « petites » bêtes sont vraiment gentilles si on ne les embête pas. Dans le cas contraire, elles vous jettent des poils urticants provenant de son abdomen et si vous insistez vous risquez de goûter à ses crochets qui contiennent un venin neurotoxique.
La pluie bat son plein, nous entendons l’orage gronder et le vent se lever. Nous commençons à nous inquiéter, il faut vite trouver les contreforts d’un géant de la forêt pour se protéger, car nous risquons de prendre une branche ou un arbre sur la tête. À savoir que l’accident le plus courant en forêt amazonienne est la chute d’arbre. Nous allongeons le pas. Ouf ! Cela est une très bonne idée puisqu’une branche de 3 m de long est tombée juste derrière moi.
Le mauvais temps passe rapidement. Nous profitons de cette accalmie pour se poser un peu et essayer d’envoyer un message par satellite afin de dire que tout va bien. Cela fait plus de 2 jours que nous n’avons pas donné de nouvelles. Parfait, nous sommes dans une trouée où nous apercevons le ciel bleu. Ces clairières sont créées par les chutes d’arbres. Après s’être appuyé sur un arbre, Jean-Marc et moi avons été « attaqués » par des fourmis rouges. Elles ont envahi notre corps et nous dévorent si bien que l’on doit se déshabiller pour s’en débarrasser. C’est l’enfer ! Je ne sais pas combien de piqûres nous avons reçues, mais en tout cas cela brûle vraiment et longtemps. Nico, inquiet, commence à vérifier son corps. La surprise ! Il découvre plus d’une quinzaine de tiques sur les parties les plus intimes.
Et oui ! Voilà les joies de la jungle. Quand vous ressortez de là, je vous assure que vous ne vous plaignez plus de rien.
L’après-midi se passe plus tranquillement. Notre progression est beaucoup plus lente en raison de la fatigue accumulée et notre nourriture rationnée.
Comme chaque fin d’après-midi, nous installons le camp, nous ramassons le bois pour le feu et nous buvons notre ti-punch avec un morceau de saucisson que j’avais gardé pour nous remonter le moral. Humm que c’est bon ces petits moments devant un feu de camp.
Après avoir pris notre repas lyophilisé LyoFood Expedition, Nico nous sort un super cadeau ! Une mousse au chocolat… lyophilisée bien entendu. C’est la cerise sur le gâteau, si bien que l’on s’en lèche les doigts et les babines.
Il est temps de se mettre au lit dans le hamac. Au bout de 10 minuntes nous sommes réveillés par les cris de Nico. Un tapir vient de toucher son hamac, ce n’est pas dangereux comme un jaguar, mais c’est tout de même le « bœuf » de la jungle. Un tapir peut peser jusqu’ à 250 kg.
6 décembre
Réveillés par les singes capucins, nous avalons notre petit-déjeuner avant de reprendre notre chemin.
Le terrain est toujours le même, en altitude une forêt bien claire, plus bas les marécages avec une végétation dense.
Cette journée sera sous le signe des oiseaux. Lors de notre progression, nous avons rencontré des aras avec leur plumage majestueux. Cet oiseau peut vivre jusqu’à 90 ans et surtout, il reste fidèle à son partenaire toute son existence. Nous croisons aussi des hoccos, un genre de dodo au bec jaune dont le vol est très lourd, des maraïs et des agamis, une sorte de faisan.
Nous commençons vraiment à prendre nos marques dans cette jungle très hostile et magnifique, si bien que l’on s’habitue à tous les insectes qui viennent découvrir notre corps. Nous croisons également des dendrobates jaunes et noires, la même couleur que nous. Ce sont de très jolies grenouilles, mais il ne faut pas les toucher, car elles portent un poison sur elles.
Nous ne voyons pas le temps passer, nous montons le camp pour la dernière fois, car nous avons ensuite l’intention de finir sans s’arrêter dormir.
7 décembre
Nous faisons le point sur notre nourriture, il ne reste pas grand-chose. Il va falloir bien gérer car nous voilà partis pour 24h non-stop. Sachant que les 25 derniers km sont sur un chemin existant. Nous avons peu de chance, nous passons notre temps à grimper, sauter et escalader les arbres tombés. Le palmier awara contient des milliers d’épines qui rentrent dans notre corps. Cela devient habituel maintenant. La journée est très dure et fatigante.
Nico et Philippe pètent parfois les plombs en insultant la végétation. Leur rôle est de faire le chemin au sabre et je peux vous dire que cela n’est pas très facile. Jean-Marc essaie de s’appliquer sur l’orientation pour faciliter notre progression.
À la tombée de la nuit, nous nous équipons de nos frontales Armytec et nous nous offrons un petit plaisir en mangeant une Mulebar pinacolada pour nous remonter le moral.
Nous avançons à 0,5 km/h dans des marécages. J’essaie de ne pas perdre mes chaussures dans la vase et de garder la tête haute. Vers 21h, nous entendons le bruit d’une cascade. Cela nous redonne le sourire, car c’est ici que nous allons retrouver un vrai sentier. 1h plus tard, nous voici les pieds dans la rivière. Le sentier est bien présent, il ne reste plus que 25 km pour rejoindre Saul désormais.
Nous décidons de faire une bonne pause, prendre un bon bain, faire le feu et s’alimenter. Nico et moi avons les pieds défoncés, on a l’impression qu’ils ont été poncés au papier de verre. Nous faisons également une petite sieste qui est vite écourtée par l’arrivée de fourmis légionnaires. Il faut vite se sauver avant de devenir le festin de cette armée d’insectes.
Le layon n’est pas du tout une autoroute. Plus facile que la jungle profonde, mais cela nous demande tout de même beaucoup d’effort. La nuit est magique ! Nous croisons beaucoup de faunes. Entre caïmans, grenouilles, singes, crapauds buffles et marsupiales. Jean-Marc décide de s’arrêter, car il n’arrête pas de tomber la nuit avec son problème de vision. Par solidarité, nous restons avec lui et installons notre hamac jusqu’au lever du jour.
8 décembre au matin
Dernier petit-déjeuner ! Nous reprenons et apprécions les derniers kilomètres de cette expédition qui n’a pas été facile. Enfin la civilisation, le village de Saul est en vue ! Il ne reste plus que 7 km. À 6 km de l’arrivée, nous ne pouvons pas nous empêcher de s’arrêter au carbet Popote pour boire une bonne bière en compagnie de Christian, le maître des lieux. Il a toujours de supers histoires de la forêt à raconter.
À la sortie de la forêt, plus que 5 km de marche. Une chaleur accablante nous tombe sur la tête, mais nous sommes très heureux de boucler cette aventure et dire un dernier petit mot devant la mairie de Saul.
Après 2 nuits de confort à l’auberge, au pied de l’arbre élu plus beau de l’année 2015 (un fromager de plus de 50 m) nous reprenons l’avion pour Cayenne.
Voilà plus d’un mois que cette expédition est terminée. J’ai toujours des souvenirs plein la tête et aussi dans mon corps. J’ai retiré 3 gros vers macaque qui vivaient dans ma jambe.
Encore un grand merci à Raidlight pour leur super équipement, à Mulebar pour leurs barres succulentes, à LyoFood Expedition pour leurs plats dignes d’un grand chef et aussi à LifeStraw d’avoir purifié notre eau à l’aide de leur flasque et paille magique.
À bientôt pour de nouvelles aventures !